Netflix, TikTok… ou la fin de la concentration ?

Tu t’assois pour faire ton devoir. Tu ouvres ton ordi. Et là… une notification TikTok. Une vidéo. Puis une autre. Encore une. Et te voilà, 40 minutes plus tard, en train de regarder un hamster qui joue du xylophone alors que ton exposé sur la poésie symboliste attend toujours. Bienvenue dans l’ère du zapping mental. Entre TikTok, Netflix et tous les autres pièges à dopamine, une question commence sérieusement à se poser : sommes-nous en train de perdre la capacité à nous concentrer ?

Des applis qui ne veulent qu’une chose : ton cerveau (et ton temps libre)

Il faut le dire franchement : TikTok et Netflix sont des génies… de la distraction. L’un te bombarde de vidéos courtes, drôles, absurdes ou ultra efficaces, pensées pour que tu ne puisses pas t’arrêter de scroller. L’autre te sert des séries avec cliffhangers en rafale et lance le prochain épisode avant même que tu aies le temps de trouver la télécommande. Résister à ça ? Autant demander à un chat de ne pas sauter sur une boîte en carton.

Ces plateformes ne veulent pas juste que tu regardes : elles veulent capter ton attention, la garder, et ne plus jamais te la rendre. Et le pire, c’est qu’elles sont très, très bonnes à ce jeu-là.

Mais pourquoi c’est si difficile de décrocher ? Parce que ces applis jouent sur une substance bien connue du cerveau : la dopamine. À chaque vidéo, notification, like ou épisode, ton cerveau reçoit une petite dose de plaisir, de nouveauté, de satisfaction immédiate. Résultat : il en redemande.
Et c’est là le vrai danger : ces récompenses faciles reprogramment ton cerveau à éviter l’effort, la concentration ou la lenteur, parce qu’elles deviennent “moins stimulantes” en comparaison. Ce n’est pas une question de paresse : c’est un dérèglement du système de récompense. Même lire deux pages peut sembler insupportablement long. Tu n’es pas “moins motivé”, ton cerveau est juste accro à une version express de la gratification.

Concentration scolaire

Le souci, c’est que notre cerveau n’est pas conçu pour encaisser un bombardement d’infos aussi constant. En cours, ça se traduit par quoi ? Une capacité à rester attentif qui chute plus vite qu’un élève le vendredi à 17h. Une consigne de lecture un peu longue devient un mur. Une analyse de texte ? Une épreuve. Un exposé oral de 5 minutes ? Une ascension de l’Everest sans oxygène.

Résultat : certains élèves se retrouvent à commencer plusieurs tâches sans en finir aucune. Ils oublient plus vite ce qu’ils viennent de lire, et peinent à plonger dans une réflexion un peu profonde. Le cerveau, trop sollicité par le court, n’a plus l’endurance pour le long. C’est comme si on avait troqué la lecture d’un roman contre une avalanche de tweets mal orthographiés.

Psychologiquement, ça donne quoi ?

Spoiler : pas la joie. L’attention fragmentée fatigue le cerveau. Et contrairement à ce qu’on croit, regarder des vidéos en boucle n’est pas toujours reposant. Cela crée une fatigue cognitive, une surcharge d’informations superficielles, et parfois un vrai sentiment de vide.

Ajoute à ça la fameuse “FOMO” (Fear of Missing Out), cette peur de rater quelque chose si on ne vérifie pas son téléphone toutes les deux minutes, et tu obtiens un joli cocktail : stress léger mais permanent, perte de motivation, et parfois même un blocage face à l’effort. Comme si notre esprit, accoutumé à l’immédiateté, ne supportait plus le silence, l’attente… ou pire : l’ennui.

Culturellement, un glissement rapide (et pas toujours subtil)

Pendant ce temps, nos habitudes culturelles changent. On lit moins de livres, mais plus de résumés. On regarde des extraits de films, mais rarement les films entiers. On préfère des “3 choses à savoir sur Baudelaire en 30 secondes” plutôt qu’une vraie lecture analytique.

C’est un choix de société, certes, mais il pose une vraie question : que perd-on dans cette accélération permanente ? Car lire un roman, comprendre un essai, écouter un podcast jusqu’au bout… c’est autre chose que de “liker” une vidéo de 20 secondes. C’est accéder à la complexité, à la nuance, à la réflexion critique, bref, à tout ce qui fait qu’on ne se contente pas de subir le monde, mais qu’on peut y penser.

TikTok et Netflix : ennemis ou faux coupables ?

À ce stade, on pourrait croire que ces applis sont les grands méchants de l’histoire. Mais non. Elles ne sont pas le problème, elles sont le symptôme. On peut très bien apprendre plein de choses grâce à TikTok (si, si, ça arrive). Et binge-watcher une série brillante peut être une vraie expérience culturelle.

Le problème, c’est le déséquilibre. Quand 95 % de notre attention est monopolisée par des contenus faciles, courts, addictifs, il ne reste plus grand-chose pour les efforts plus profonds : l’analyse, la création, l’introspection, le doute, l’ennui fécond. Tout ce qui construit une pensée personnelle.

Et ce piège ne concerne pas que les devoirs. À long terme, il peut laisser des traces profondes : baisse de l’estime de soi (parce qu’on commence mille choses sans en finir aucune), anxiété chronique (à force d’être sursollicité sans jamais se reposer vraiment), et perte de repères dans la construction de soi.
Car quand on ne prend plus le temps d’être seul avec ses pensées, de réfléchir, de créer ou simplement de s’ennuyer, on finit par vivre une vie dictée par les algorithmes plus que par ses propres choix. Le danger, ce n’est pas juste d’être distrait. C’est d’être façonné, lentement mais sûrement, par une culture du zapping qui rend la profondeur étrangère, voire impossible.

Reprendre le contrôle (sans tout désinstaller non plus)

La bonne nouvelle ? On n’est pas condamnés à devenir des zombies digitaux. L’attention, c’est comme un muscle : plus on l’entraîne, plus elle revient. Cela passe par des gestes simples, mais puissants :

  • Désactiver les notifications non essentielles (spoiler : elles le sont presque toutes) ;
  • Se réserver des moments “off” dans la journée ;
  • Lire un peu chaque jour, même 10 minutes ;
  • Ecouter un podcast ou une musique… sans faire autre chose en même temps ;
  • Accepter de s’ennuyer. Oui, vraiment. C’est dans ces moments de vide que naissent les idées.

Conclusion : la concentration, c’est politique (presque)

Récupérer son attention, c’est aussi récupérer sa liberté intérieure. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité : pour penser par soi-même, pour créer, pour aimer, pour choisir.
Dans un monde où tout est pensé pour te disperser, apprendre à regarder autrement, plus lentement, plus profondément, c’est une façon de redevenir acteur de sa propre vie.

Alors non, il ne s’agit pas d’abandonner Netflix, TikTok ou YouTube. Mais de reprendre la main. De faire de la place pour ce qui nourrit vraiment, pas juste ce qui occupe. Parce qu’à la fin, ce qu’on regarde façonne aussi la personne qu’on devient. Et franchement, on vaut mieux qu’un algorithme.

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